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Les présences mythologiques dans la toponymie locale (pays de Nied)

Les villages, les rivières, les chemins, les champs, les lieux sur lesquels et dans lesquels nous vivons, ont gardé les traces de nos ancêtres, ont été travaillés et modelés par eux. Certains plus que d’autres nous parlent. Ils sont le témoignage de leur présence. Les lieux-dits nous racontent notre propre histoire.

Ainsi les arbres remarquables ont marqué et continuent encore à marquer notre imaginaire. 
L’arbre a ses racines dans le sol et ses branches dans les nuages, il symbolise l’aspiration de l’homme vers le sacré, le divin. Nos lointains ancêtres ont honoré les arbres. Le hêtre était l’arbre sacré des hommes du néolithique et de l’âge du bronze. Le chêne celui de l’âge du fer donc des celtes et le frêne était l’arbre sacré des germains. Ces trois arbres sont présents dans notre région, non seulement physiquement mais aussi dans la toponymie et dans l’imaginaire, on peut dire dans notre inconscient mythologique.

L’arbre le plus ancien est donc le hêtre et quelquefois il est désigné comme l’arbre des sorcières (donc sacré et diabolisé par l’Eglise). Ainsi madame Merkelbach-Pinck qui avait collecté les contes et légendes en Moselle germanophone vers les années 30, nous signale que son informatrice d’Alzing (Madame Weber, née au milieu du 19ème siècle) nous dit que l’arbre aux sorcières de Vaudreching était un hêtre. Les arbres aux sorcières sont généralement des chênes et quelquefois des frênes.

Le hêtre est l’arbre qui nous a apporté la connaissance et l’écriture. En allemand et en francique le nom « Buch » ou « Bouch » désigne à la fois l’arbre et le livre et les branches du hêtre, les « Buchstaben » sont les lettres. Faut-il voir dans les lieux-dits désignés par « Bouch », et on les rencontre souvent en Lorraine germanophone, une réminiscence à la lointaine époque de l’âge du bronze, ou s’agit-il tout simplement d’un gros hêtre disparu ? Dans tous les cas l’arbre a marqué son territoire et il a immortalisé sa présence.

Avec l’arrivée sur notre sol des Indo-européens, en l’occurrence des celtes, l’arbre sacré devient le chêne. Le hêtre perd sa place. Ce même phénomène s’était produit en Grèce lorsque les Achéens qui sont des Indo-européens ont supplanté la vieille population (les Pélasges), l’arbre oraculaire de Delphes, un hêtre, sera alors remplacé par un chêne.

Tout le monde connaît l’attachement des Gaulois au chêne. Autour du chêne, arbre sacré, les celtes pratiquaient leur culte. Ainsi nos arbres des sorcières, je pense notamment à ceux d’Alzing et de Gomelange ne sont en fait que la diabolisation d’un culte ancien. La christianisation de notre région au 6ième-7ième siècle avait interdit les pratiques anciennes. La solution la plus radicale pour venir à bout des pratiques païennes était de couper les arbres sacrés... Ce qui a été fait. Mais les arbres repoussent et le culte se poursuit. (Il faut souligner qu’en France la dernière campagne d’abattage des arbres à superstitions remonte au milieu du 19ième siècle.)

Puisque l’abattage ne sert à rien, il existe deux solutions.

  • La première consiste à faire de ces arbres sacrés un lieu maudit. Ce qui est le cas avec le « Hexenboom » d’Alzing. Les sorcières qui dansent autour de l’arbre par une nuit de pleine lune, sont les réminiscences des pratiques religieuses encore bien vivantes au 16ième siècle dans notre région.
  • La seconde solution est bien plus subtile: transformer l’arbre sacré païen en arbre sacré chrétien. C’est le cas du « Bildjesbaam » de Waldweistroff.

Sur les hauteurs de Waldweistroff, à l’entrée du village, trône, majestueux un chêne vieux de plusieurs siècles. La légende dit qu’un soir un orage terrible avait frappé le village, en punition sans doute d’un méfait commis par les habitants. La foudre avait ouvert l’arbre en deux. Les habitants y ont placé une image ou selon une autre version une statue sacrée de la Vierge. Et l’arbre s’est refermé. Le vieux chêne de culte païen a été christianisé.

Le gros chêne de Bibiche — on dit qu’il aurait près de 1000 ans — a survécu parce qu’il a permis de délimiter les bans. Il est situé à proximité d’un site de l’âge du fer (Celtes). Les promeneurs qui passent par là, tournent trois fois autour de lui en clamant leurs vœux qui, dit-on, seront exaucés.

Mais le chêne sacré est présent dans notre région de façon plus subtile. Dans la toponymie sous une graphie bien bizarre: celle de « Kaas », « Kääs », « Kääser » « Kess » ou encore « Katz ». Le chêne en gaulois latinisé se disait « casanus » (le mot français vient d’ailleurs de là). « Casanus » transformé sous l’effet de la romanisation puis de la germanisation aboutira à « Kaas » dans la zone du francique mosellan et rhénan et souvent en « Katz » dans la zone du francique luxembourgeois… Les toponymes en « Kaas » n’ont rien à voir avec le fromage ni ceux en « Katz » avec le chat. Ils renvoient au chêne gaulois, donc à un lieu de culte.

On peut citer trois exemples. L’église de Freistroff se trouve sur un tertre, situation tout à fait propice à un lieu de culte. La route qui passe devant l’église est encore appelée par les habitants du village « Kääsergass » mot transcrit sur les cadastres à la française « Kaiser » et relu par les allemands en « Kaisergass »,  c’est à dire la rue de l’empereur. Aucune rue de Freistroff n’a jamais été dédiée à un quelconque empereur, même si cela semblait flatteur à la population qui croyait voir dans leur « Kääsergass » une ruelle du fromage ! La route qui mène actuellement à l’église menait autrefois au chêne sacré. C’est le chemin qu’empruntait la « Gnädig Dame » sur son cheval blanc pour aller à l’église, car dit la légende, elle avait le droit le jour de l’assomption (fête de la Vierge) d’entrer dans l’église avec son cheval et de tourner trois fois autour de la Sainte Table en clamant haut et fort « J’ai le pouvoir de régner sur terre jusqu’au ciel » (« Ich hann ze richten un ze schlichten von Eerd bés zoum Himmel »). La « Gnädig Dame » que la légende assimile à une méchante châtelaine est en fait la déesse Epona des celtes dont le culte, comme le montre de nombreuses découvertes faites dans la région, était très important dans le Pays de Nied.

Un autre exemple concerne Filstroff. Là aussi l’église est édifiée sur un tertre. Les maisons autour de l’église sont construites sur un lieu-dit appelé « Kääsglocken » (toujours francisé en « caiss »). Que pourrait bien signifier « les cloches du fromage » ou les « cloches de l’empereur »? L’église a remplacé l’ancien chêne, le clocher, tout comme l’arbre, s’enracine dans le sol et va vers le sacré. Le clocher a gardé son nom (« Kääs »...  « casanus » ) mais a été christianisé par les cloches.

A Ebersviller autour de l’église, (qui elle aussi est située sur une hauteur) un quartier est encore appelé par les anciens « Käsern ». Le sens originel a évidemment disparu, et certains pensent qu’une caserne devait se trouver là.

Nous avons là trois beaux exemples de superposition de cultes où le  « moderne » assimile « l’ancien » sans totalement le supprimer. La racine « Kas » (Käs) est présente par ailleurs dans la toponymie, ainsi à Aidling-Lès-Bouzonville on rencontre un « Kaeserwies » et à Walweistroff un « Kess ». Une étude approfondie de la micro- toponymie ferait sans doute apparaître d’autres lieux-dits formés à partir de cette racine.

La même chose s’est produite pour le troisième arbre sacré, le frêne, en francique « Esch », qui est l’arbre sacré des germains, donc de nos ancêtres les francs. Les toponymes en « esch » sont légion dans notre secteur, il suffit de consulter une carte de l’I.G.N pour s’en persuader. Le lieu le plus connu est le château de Bourg-Esch. Ici tout comme pour le « chêne-casanus-Kääs » les traductions fantaisistes abondent, il suffit de citer « la rue des cendres » à Villing, traduction érronée de « Eschegass ». « Esch/frêne » pour « Äschen/cendres »!

A l’entrée du village de Guiching se trouve le Bildstock le plus ancien du Pays de Nied puisqu’il date de la fin du XVIème siècle, il est encadré par trois frênes majestueux. La croyance populaire dit que ces trois frênes sont trois sorcières, transformées en arbres. La date de 1592 est importante, on est en pleine répression anti-sorcières (des milliers de bûchers dans les diocèses de Trêves et de Metz) et c’est l’année où des bandits messins ont pillé l’abbaye de Bouzonville, emportant notamment  la Sainte Relique. On raconte qu’ils auraient caché leurs trésors dans les environs de Freistroff. Quoi qu’il en soit  les symboles du paganisme et du christianisme sont encore une fois réunis. Un autre exemple encore plus probant. La patronne des Lorrains germanophones est Sainte Oranne, elle est venue d’Irlande avec son frère Wendelin fuyant la colère paternelle pour s’installer au 7ième siècle dans notre région qu’elle a contribué à évangéliser. Elle a vécu en ermite, non loin de Berus, en pleine forêt; sa sépulture se trouvait dans l’église d’un village détruit lors de la guerre des rustauds. Ce village s’appelait « Eschweiller » (le village du frêne), actuellement il n’en reste plus que la chapelle d’Oranne et la fontaine miraculeuse, lieux de pèlerinage.

Les saints populaires de notre région, Oranne, Wendelin, Oswald, Léger, Gangolph sont la christianisation d’un culte païen. Eux aussi ont laissé leurs traces dans la toponymie.

Au croisement de quatre paroisses, quatre communes (Bibiche, Filstroff/Beckerholz, Freistroff et Chémery-les-Deux) se trouve à la lisière de la forêt un tout petit oratoire dédié à Saint-Wendelin. Les habitants l’appellent le « Wendelchen » (le petit Wendelin). La légende dit qu’autrefois, il y a fort longtemps, une peste porcine régnait dans les secteurs de Freistroff/Bibiche. Les habitants des villages ont invoqué tous les saints en vain, lorsqu’ils eurent l’idée de s’adresser à un Saint très populaire puisque dans sa jeunesse, avant d’être abbé de Tholey, il gardait les cochons et les brebis. Ce saint homme était Wendelin. Ils lui promirent un culte s’il exauçait leurs vœux. Ce qui fut fait. Il y a quelques années encore les habitants de Freistroff y venaient en pèlerinage début novembre. Il est « le petit patron » de la paroisse de Bibiche, ce qui veut dire que la première église de Bibiche lui a été consacrée.

Il serait trop long ici de revenir sur la vie de Saint Wendelin, qui est le frère d’Oranne. On retrouve dans le couple Oranne/Wendelin des réminiscences celtiques. Wendelin est un saint porcher comme Saint Antoine. Il soigne les maladies de la peau, la lèpre, la peste porcine. Le cochon sauvage, le sanglier est le symbole de l’ordre sacerdotal chez les celtes et la charge de porcher, gardien des prêtres, était chez les Gaulois fort prisée.

Tout comme pour les arbres nous avons ici continuité de culte, christianisation des divinités païennes, les saints chrétiens assimilant les pouvoirs des dieux du panthéon celto-romano-germanique. Le modeste petit oratoire du « Wendelchen » nous rattache à travers le culte d’un saint local, qui n’a peut-être jamais existé en chair et en os, à toutes les vicissitudes de notre histoire; malgré tous les changements politiques, culturels, religieux, linguistiques, il reste un souvenir qui remonte à la nuit des temps et qui nous donne nos racines. Le « Wendelchen » garde aussi son aspect un peu maudit, le lieu n’est pas très accueillant, on dit beaucoup de choses à propos de ce lieu-dit. On raconte notamment qu’un soldat de la Grande-Armée, revenant de Russie après la défaite de la Bérésina, s’était arrêté un soir dans une auberge de Holling. Il parlait de ses exploits. Il lui restait encore quelques kilomètres à parcourir avant de rentrer à la maison. C’était l’hiver, il faisait nuit. Il voulait absolument poursuivre son chemin... On essaya de l’en dissuader, surtout que les loups étaient encore nombreux à cette époque. Rien n’y fit, il partit. Il n’est jamais arrivé chez lui... Quelques semaines plus tard on retrouva ses bottes à côté de l’oratoire du « Wendelchen », à l’intérieur se trouvaient encore les pieds du soldat. Il s’était réfugié auprès de Saint Wendelin, mais ce dernier ne lui est pas venu en aide. 

Lieux saints, lieux maudits, arbres sacrés ensorcelés, fontaines miraculeuses, calvaires chrétiens: notre paysage est marqué par les angoisses, les espoirs des gens qui y ont vécu, souffert et espéré. Les couches de civilisations qui se superposent n’arrivent pas toujours à masquer l’inconscient mythologique. En guise de conclusion citons l’exemple de la légende des herminettes. Il s’agit des herminettes en pierre polie que l’on trouve sur les sites du néolithique ancien. On francique on les désigne sous le terme de « Donnerkeilen », c’est à dire les « coins du tonnerre », le même terme est un juron. Quel rapport y a-t-il entre un juron très populaire à connotation vulgaire et les herminettes de la civilisation danubienne? La légende dit que les « Donnerkeilen » sont des pierres tombées du ciel lors des orages. Une herminette ramassée par un paysan apportait le bonheur dans la ferme, on raconte même que lors des partages de l’héritage, la « Donnerkeil » était cassée et partagée entre les fils. Une autre légende raconte que les « Donnerkeilen » sont la semence du dieu du tonnerre (Wotan ou Thor), elle fertilise le sol et ressort tous les sept ans sous forme de pierre. On comprend alors la signification de l’expression « Donnerkeilen! » qui renvoie à un culte ancien et à un outil préhistorique, vieux de 7000 ans qui a traversé les siècles, les cultures, les langues pour terminer sa course en juron typique de notre région.

En conclusion je dirai que nous ne sommes, pauvres mortels, que le bout d’une humanité en marche et que nous sommes les dépositaires et les gardiens du passé. L’objet du folklore, dans le sens noble du terme, est la transmission aux générations futures... pour qu’elles puissent vivre en harmonie avec leurs racines car sans racines l’arbre restera stérile.

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